Lettres de la chambre d ‘à coté
Je ne peux qu ‘écrire sur toi avec ta main.
C’est une façon de te garder devant mes yeux
à l’intérieur du cadre immense de neige semblable à un mur
sur lequel nos pensées d’hiver skient.
Dans la foulée t’as aperçu parmi les dunes un chasseur.
Premièrement son fusil tendu- il était en train de tirer sur un
flocon de neige.
Un éclatement, et l’hiver en elle-même s’est écroulée des cieux
en l’enterrant de neige.
Les arbres, semblait-il, étaient partis eux aussi afin de traquer le Baragan.
(Baragan– région où les tempêtes de neige se rassemblent.
Ceci est la traduction du kiptchak.
Non, je ne suis pas couman mais telle est la traduction de mon ami turc, Youssouf)
Nous voilà donc perdus dans le désert blanc, que t‘as, en fait, engendré.
T’as tellement voulu qu’il neige, tu savais que le phénomène dépend de
ta concentration… et tu t’est trop concentré !
Maintenant ça ne s’arrête plus.
La rougeur de tes joues teint le paysage. T’as de la fièvre?
Non, mais j’veux colorer le paysage.
Vaut mieux utiliser ton rouge à lèvres.
Toi, t’est faite pour être gardée dans un château pendant un tel hiver,
des cloches rattachées aux flocons.
Que je vienne chez toi dans une luge tirée par les cerfs,
Que je monte dans ton boudoir sur une stalagmite immense,
Monter et descendre car ça glisse,
Essayer à nouveau jusqu’à ce que tu me jettes des éperons
pour que je sculpte le monolithe et pour que je le domine,
afin d’arriver tout en haut, une fleur de glace à la main.
Où est ta fenêtre? Pour que je puisse y planter cette fleur de glace.
Et que t’exclames Ah, j’adore les fleurs de glace ! Où l’as-tu trouvée?
Viens un peu dehors.
Où ça, dehors à nouveau? Dans la neige? Dans le train à nouveau, aux wagons mal chauffés?
Moi, je suis un homme d’intérieur.
Je ne suis qu’âme et l’âme est conçu de cette façon.
Je suis un homme de boudoir, de paresse parmi les coussins,
parmi les livres, parmi les rouges à lèvres…
tout ce qui peut dégager de la chaleur humaine et de l’intimité.
Mets-moi assis à une table dans un resto avec une dizaine de gars autour qui me regardent,
et je resterai pétrifié.
Je n’ai rien à te dire, c’est comme si on ne se connaissait plus
Tu anticipes le début de ma nervosité grâce au tremblement des doigts
grâce aux spasmes des coins des yeux.
Et je te dis Allons-y !
Où?
Dans le château. J’en connaît un, mais on n’y arrive que par une luge tirée par les cerfs.
On est toujours dans le train? Eh ben oui.